MARIE-LAURE GARNIER
La révélation
Révélation des Victoires de la Musique classique 2021 dans la catégorie « Artiste lyrique », la jeune soprano Marie-Laure Garnier confirme qu’elle n’a pas détourné en vain le cours du fleuve qui l’avait portée de sa Guyane natale à Paris pour se consacrer à la flûte traversière…
Aviez-vous naturellement une « voix » ?
J’adore chanter depuis toute petite. Globalement dans ma famille, les gens chantent beaucoup et ont de très belles voix. Mais je ne me suis jamais posé la question de savoir si j’avais envie de chanter puisque je le faisais naturellement, et surtout j’avais une pratique musicale autre : de la flûte traversière, du piano et de l’orgue.
Comment avez-vous eu la révélation ?
À l’issue de ma première année au CRR1 de Paris, on me propose, sur l’insistance de mes professeurs qui trouvent ma voix intéressante, de tenter la Maîtrise de Paris. J’ai 15 ans, j’aime bien chanter mais de là à m’inscrire à un concours… Finalement, je le prépare en me disant que je n’ai rien à perdre. Et je suis acceptée. Et là c’est le déclic. Le chef de chœur, Patrick Marco, est génialissime, il nous transmet cet amour du chant choral, du répertoire, il nous fait participer à des opérettes, des opéras, des concerts… C’est vraiment la vie rêvée pour moi : être souvent sur scène, faire partie d’un groupe, beaucoup chanter, travailler ensemble. C’est cette vie-là que je veux.
Jusqu’à en faire votre métier ?
Même si j’y suis très à l’aise, non, je ne me dis pas que je vais en faire mon métier. Je rappelle quand même qu’au début je viens à Paris pour jouer de la flûte traversière. Mes parents viennent de m’offrir une flûte professionnelle. Le plan est tout tracé : je fais mes études de flûte, je passe mon diplôme d’état puis mon certificat d’aptitude pour être prof. Mais tout à coup le chant remet en question ce plan si bien tracé.
Quelle est la première personne à avoir cru en votre potentiel ?
Laure de Bressy, ma professeure de flûte en Guyane, grâce à qui j’ai fait le grand saut vers Paris. D’autres personnes ont été des propulseurs pour l’étape d’après : Sophie Geoffroy-Dechaume, professeure de technique vocale à la Maîtrise de Paris, qui m’a préparée au CNSMD2 où j’ai rencontré Malcom Walker. Lui m’a aidée à construire l’instrument, comme un luthier. Il m’a accompagnée avec beaucoup de bienveillance, d’exigence, de rigueur, d’ouverture d’esprit. Il avait conscience que je venais de loin et qu’il fallait me prendre avec toute mon histoire.
Comment construisez-vous votre carrière ?
J’ai commencé en 2012-2013 en donnant beaucoup de récitals. Nous avons créé avec la pianiste Célia Oneto Bensaid un duo de musique de chambre qui me permet de faire de la scène, de m’épanouir sans mettre ma voix en danger. En même temps, le Capitole de Toulouse m’a offert l’opportunité de monter régulièrement sur scène dans des productions. J’apprends beaucoup en travaillant sur moi mais aussi en regardant et en écoutant travailler les autres. Pour autant, je ne dis pas que j’ai envie de ne chanter que des petits rôles dans les dix prochaines années, bien au contraire. J’ai envie d’avoir des rôles de plus en plus importants, mais j’avance avec sagesse.
De quels rôles rêvez-vous ?
J’ai follement envie d’une Tosca, rôle que j’ai travaillé au Conservatoire et que je trouve fait pour moi, autant vocalement que dramatiquement. Je peux viser aussi une Mimi, une Manon Lescaut, une Desdémone, et pourquoi pas une Isolde, une Brünnhilde. Mais ce n’est pas pour tout de suite.
La crise vous a-t-elle coupée dans votre élan ?
J’étais sur Platée au Capitole de Toulouse quand tout s’est interrompu. Ça a été une passe un peu compliquée. J’ai eu heureusement des occasions de monter sur scène, même sans public, même pour des captations ou des enregistrements radio : au festival d’Aix-en-Provence en juin, à l’Opéra de Rouen, ou encore avec Clément Mao-Takacs et son Secession Orchestra. C’est important de garder la pratique de son instrument et d’avoir des objectifs. Comme Elektra de Strauss auquel je vais participer fin juin au Capitole. Comme le disque de duos que nous préparons avec ma pianiste, qui mettra en miroir des mélodies françaises de Messiaen et Poulenc avec des spirituals.
Comment avez-vous reçu cette Victoire de la Musique classique ?
Je me sens très encouragée par ce prix et fière du parcours accompli. J’espère que ce sera un message très positif pour les Ultramarins de voir une jeune fille partie très tôt de chez elle aujourd’hui récompensée, que mon histoire permettra de développer leur intérêt pour le chant lyrique et leur donnera envie de se lancer eux-mêmes.
Chanter fait-il du bien ?
Chanter fait du bien à la fois aux professionnels et aux amateurs, à la fois à ceux qui créent et à ceux qui écoutent. J’enseigne au Conservatoire de Menecy dans l’Essonne et je vois à quel point les élèves s’accrochent à leurs cours, même en visioconférence. C’est un moment où ils peuvent déposer leurs problèmes, penser à leur bien-être, respirer, chanter, exprimer ce qu’ils ont au fond d’eux. Et quand je chante, même si c’est aussi à travers un écran, j’essaie de créer du beau pour faire du bien, et je suis heureuse quand les gens disent que m’entendre leur met du baume au cœur.
1Conservatoire à rayonnement régional
2 Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon
Texte : Catherine Rivière
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